Réfractaires non-violents à la guerre d’Algérie
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Jean Pezet, 1939-2013
Nos amis disparus depuis 2003
Article mis en ligne le 6 mars 2013
dernière modification le 16 juillet 2017

par A.B.
Jean avec son livre traduit en italien

Texte lu pour les obsèques de Jean Pezet le 30 janvier 2013.

Nous voudrions partager les grandes lignes de la vie de notre père Jean Pezet.

Il est né à Puech-Auriol le 22 septembre 1939 dans une famille recomposée. Il avait une demi-sœur, Pierrette, et un demi-frère, André, et viendra quatre ans plus tard, son petit frère Pierre. Sa mère, Rosette, était institutrice au village et son père Lucien était artisan à Castres.
C’était le commencement de la guerre et, pour lui, un commencement douloureux dans la vie parce qu’il n’arrivait pas à s’alimenter. Il n’avait que la peau sur les os. Mais la Providence voulut placer sur le chemin de son père, à Mazamet, une nourrice, qui venait de perdre sa petite, Christiane, et c’est ainsi qu’il survécut.

À la fin de la guerre, ils s’installèrent à Castres où il tomba amoureux à l’âge de 11 ans d’une élève de sa mère : Christiane. Celle-ci n’en faisait pas trop cas. Devenu pensionnaire à Bédarieux, souvenir difficile, il rentrait uniquement pour les vacances, se consolant en gravant le prénom de sa bien-aimée sur les arbres.

Il intégra ensuite la classe de seconde au lycée Rascol d’Albi, où il faisait du théâtre, et écrivit une pièce sur Adélaïde de Burlats qui fut jouée à Castres sous le pseudonyme de Jean Christi et qui lui permit surtout de séduire définitivement sa promise.

Après une formation à Amiens, seule école d’infirmières qui acceptait alors les garçons, il obtint le diplôme d’aide-soignant.

Arrivèrent les événements de la guerre d’Algérie qui allaient marquer radicalement sa vie. Les jeunes hommes étaient mobilisés mais il était habité par une autre conviction :

« Christiane, je ne pourrais te faire d’enfants si moi-même je suis amené à tuer des fils de mères ou des pères de famille. »

Son engagement pour l’objection de conscience le conduisit en prison pour trois ans, et il fut incarcéré à Metz, Fresnes, Versailles et Toulouse de 1960 à 1963.

C’est soutenu par des intellectuels et sa fiancée qu’il traversa cette période difficile, et c’est avec quelques compagnons qui partageaient la même conviction sur la non-violence qu’ils furent à l’origine du statut d’objecteur de conscience.

À sa sortie, n’ayant le droit d’exercer un travail, il partit plusieurs mois aider les gens en difficulté sur des chantiers au camp de Ginestou à Toulouse et au camp de harkis d’Arfons.

Puis, il rejoint sa fiancée Christiane, qui travaillait comme éducatrice spécialisée à Toulouse. Le 21 décembre 1963, ils se marièrent dans cette même église où nous sommes aujourd’hui. Il exerçait alors comme aide instrumentiste à la clinique Ambroise-Paré de Toulouse. En 1965, nait leur premier enfant : Jean-Philippe.

C’est alors que son père Lucien, pour des raisons de santé, ne pouvant continuer son entreprise de fils-de-fériste, il devient artisan en reprenant sa suite (avec son frère Pierre durant les deux premières années).

De retour à Castres, Jean se met donc à produire des crochets pour les toitures, ce qui lui permet d’acheter une maison, « le Roitelet », qui deviendra la maison familiale jusqu’à aujourd’hui. En 1967, nait Jean-Christophe et, en 1971, Christel.

En 1973, un nouvel événement va bouleverser leurs vies alors qu’ils assistent par curiosité à un rassemblement d’universitaires à Peyregoux, sur un mouvement religieux venant d’Amérique : « le renouveau charismatique ». Ils décident de changer de vie, de se consacrer aux autres avec comme fil conducteur la foi.

Pierre, son frère, reprend l’entreprise familiale. Papa et maman décident d’ouvrir leur maison aux nécessiteux, et c’est ainsi qu’ils commencent à accueillir des sans-domicile fixe, des sortis de prison, des réfugiés politiques, et on commence à être nombreux à la maison, d’autant plus que la ville de Castres n’a pas encore de foyer d’accueil. Papa contribuera d’ailleurs fortement à sa création.

Arrive à cette période aussi le n° 4 de la famille, Emmanuel (Dieu est avec nous, ça ne s’invente pas !), la maison devient trop petite. C’est ainsi qu’en 1976 est construite une aile consacrée à l’accueil. Cette extension sera en partie financée par l’abbé Pierre et d’autres dons anonymes. Cette période est également marquée par un retour, au premier plan, du combat de la non-violence sur les plateaux du Larzac. Notre père se relance dans le militantisme, y retrouvant ses amis de la première heure.

Parallèlement, à Castres, Jean crée un groupe de renouveau charismatique, d’influence pentecôtiste mais dans le cadre de l’Église catholique. Il faut préciser que de tradition catholique, il développe un vif intérêt dès l’âge de 14 ans pour l’Église universelle, par notamment le dialogue avec les Églises protestantes, dont il se sent proche. Initié par sa mère à l’œcuménisme, il comptera tout au long de sa vie dans ses relations de nombreuses personnes appartenant à diverses obédiences protestantes.

Il exerce d’autre part comme surveillant au lycée Barral. Puis décide de se lancer dans une autre aventure, le commerce. Il achète en 1978 une toute petite librairie-papeterie place Pélisson, puis déménagera pour s’agrandir rue des cordeliers y développant une thématique religieuse.
Mais n’ayant pas le commerce dans le sang, il est contraint de vendre et de repartir vers sa première vocation d’aide-soignant.

Alors qu’arrive en 1985, le n°5, notre petit frère, Pierre ; l’accueil à la maison diminue. Profitant de la création du congé parental, il décide alors de s’en occuper. Il se remet aux couches et aux petits pots pendant deux ans. Christiane est aux anges toujours très investie par son travail d’éducatrice spécialisée en milieu ouvert.

En 1988, il se lance, comme son demi-frère André, dans le dépôt-vente. Il s’installe boulevard Sicard mais, n’ayant décidément pas le commerce dans le sang, l’expérience tourne court et il repart une fois de plus à sa première vocation d’aide-soignant (de nuit !)

C’est alors qu’apparaissent ses premiers signes de problèmes respiratoires. Mais le spectre de la guerre revient et le ciel s’assombrit sur la Yougoslavie réveillant en lui tous ses tourments. Il décide de s’y rendre par deux fois avec des convois humanitaires.

Après ces voyages, il commence à écrire ses témoignages et des essais, cherchant à répondre à toutes ces questions qui tournent autour des lignes de conduite de sa vie : « la non-violence, l’accueil, la foi ». Il écrit : Tu ne tueras pas, la Paix dans vos cœurs, Jésus utopie, les Délaissés de la terre , le Feu nucléaire et d’autres qu’il publie souvent à compte d’auteur. Essoufflé, épuisé, la veille de sa mort, il finalisera son ultime ouvrage Jésus homme-Dieu.
Il partage le reste de son temps à lire la presse religieuse, à échanger par correspondance, à accueillir et écouter ceux qui sont en difficultés. À la maison, il aime cuisiner, mitonnant de bons petits plats mais la maladie va petit à petit l’en empêcher. Il est très touché par les services rendus par les amis et le soutien de tous ceux qui passent le voir régulièrement.

Ne mettant pas en avant sa maladie, il se montre très attentionné, que ce soit comme époux, père de cinq enfants, beau-père, grand-père de treize enfants, et tout dernièrement arrière-grand-père, continuant à nous accueillir le plus souvent possible à la table familiale.

Ces derniers temps, il était très affaibli par la maladie mais il était serein, il avait vraiment préparé son départ avec maman. Il disait déjà goûter de cette vie éternelle dans laquelle il allait demeurer dans la plénitude. Convaincu que « Dieu est Amour « , il lui restera une question à lui poser « pourquoi le mal ? »

On espère que tu auras une réponse satisfaisante et que tu trouveras la paix.
Papa on t’aime.

Jean-Philippe, Jean-Christophe, Christel, Emmanuel, Pierre.

Notre père est décédé le 27 janvier 2013.

Pour lire le livre écrit par Jean en 1994, cliquez ici

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