Réfractaires non-violents à la guerre d’Algérie
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Christan Fiquet, 1939-2023
Article mis en ligne le 19 décembre 2023
dernière modification le 13 février 2024

par A.B.

Petit hommage à Christian

Bonjour, nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre un hommage à notre ami Christian. Pour nous, Réfractaires non-violents à la guerre d’Algérie, Christian a été dès le début un compagnon de lutte.

Au début des années 60, au moment des « événements d’Algérie », qu’on ne voulait pas appeler un guerre, une petite quarantaine de jeunes de toutes origines et de toutes régions, ont fait le choix de refuser de faire cette guerre. Ils avaient 20 ans et ne se voyaient pas participer à une guerre contre un peuple demandant son indépendance, avec ses destructions, ses tortures, ses exactions peu dignes de la « patrie des droits de l’homme » ! Ils demandaient d’effectuer un service civil utile aux deux parties et dirigé par une organisation civile. Ils étaient prêts à assumer les conséquences de leur refus, c’est-à-dire d’être condamnés à des peines de prison par les tribunaux militaires. Très peu soutenus par les partis politiques, les Eglises et les diverses institutions, seule l’Action civique non-violente animée par Joseph Pyronnet, un professeur de philosophie et proche de l’Arche de Lanza del Vasto accepta de le faire.

Christian avait 20 ans en 1959 et, comme tous les jeunes Français de cette époque, devait effectuer un service militaire. Il en acceptait le principe mais ne voulait pas le faire en Algérie. Il fut envoyé en Allemagne dans un bataillon d’instruction militaire où il se trouvait très mal à l’aise quand il fallait expliquer aux jeunes recrues que « face à un fellouze, il faut tirer le premier ! »

Le refus de servir, « refus d’obéissance », était puni de 5 ans de prison au maximum à ce moment là et si Christian était bien déterminé, Françoise n’aimait pas du tout l’idée de se retrouver tout les deux seuls devant l’institution militaire ; elle a cherché de l’aide et a contacté l’ACNV.

Lors de sa permission de fin d’année, avant d’être envoyé en Algérie fin 1960, Christian, après avoir renvoyé ses affaires militaires à ses officiers, s’est donc mis à la disposition des autorités sur un chantier à Gagny. Il y rencontre Jean Lagrave, avec qui il sera arrêté en janvier 1961, mais si le parcours de ce dernier est assez simple, pour Christian ce ne sera pas pareil ! Il n’en parlait pas beaucoup, mais parmi les réfractaires ce fut un de ceux qui subit le plus le poids de l’armée ! Si nous, nous étions en caserne, jugés et emprisonnés en France, lui, après son arrestation a été renvoyé en Allemagne, puis après un parcours plus que chaotique, se retrouvera dans une caserne à Tébessa, en Algérie, où il refusera une nouvelle fois de porter l’uniforme. Il sera donc envoyé en cellule en prison militaire, dans un pays en guerre, dans des conditions bien plus dures que nous ! Le 7 mars, il est envoyé à Bône et comparait devant un juge d’instruction, puis emprisonné en prison civile, où il côtoie des droits communs et des FLN et plus tard des OAS… Françoise pourra le voir dans des conditions très difficiles et éprouvantes qui ne leur donnaient pas vraiment le moral. Il sera finalement jugé 9 mois après, le 27 octobre 1961, et condamné à 3 ans de prison, la nouvelle peine maximale depuis de Gaulle. Ce procès et cette condamnation furent une très dure épreuve pour Françoise ! En février 62, il est rapatrié pour des raisons de sécurité, et incarcéré aux Baumettes à Marseille, puis muté avec 4 autres réfractaires à l’Etape, un centre de semi- liberté et enfin regroupé avec tous ceux qui n’avaient pas accompli les 3 ans d’enfermement « réglementaires », au camp de Mauzac, en Dordogne.

Il sera finalement muté le 1er mars 1963 en caserne à Bordeaux pour y être libéré.

Mais Christian est surtout pour nous, réfractaires, l’un de ceux qui ont réussi à créer notre groupe au début des années 2000, et qui, à la suite d’une rencontre à Paris, ont entrepris une « chasse à l’homme » par internet, téléphone ou courrier postal pour retrouver les anciens réfractaires des années 60. et leur soutiens ?

Et ils y sont parvenus en rassemblant une trentaine d’entre nous, en juin 2003, il y a 20 ans, sur le Causse noir face à Millau pour des retrouvailles mémorables !

De cette rencontre et de toutes nos (très longues..) discussions sont nés des projets tous réalisés : un livre, un DVD, un site internet et une action en Palestine avec une rencontre de refuzniks (réfractaires) israéliens. Et aussi la décision de faire un travail de mémoire pour rappeler notre action pour la paix et la non-violence. Et là aussi Christian a été très efficace en participant à des rencontres dans des lycées et des collèges pour expliquer et répondre aux questions des jeunes. Tout comme il a, pendant toutes ces années tant que ça lui a été possible, organisé et géré nos rencontres d’Anciens réfractaires dans des lieux sympathiques qu’il choisissait avec soin pour nous !

Merci à toi Christian, pour tout ce que tu as été, pour tout ce que tu nous a apporté, et au revoir ou adieu selon que l’on croit au ciel ou que l’on n’y croit pas.

Tony

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