Réfractaires non-violents à la guerre d’Algérie
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4ACG : Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance.
Notes de lectures
Article mis en ligne le 15 avril 2013
dernière modification le 23 décembre 2013

par A.B.

L’Harmattan, 2012, 475 p.

4ACG : Un chiffre et trois lettres

Je vais vous parler ce soir d’un livre qui devrait bientôt paraître ; mis en œuvre par les 4ACG. Les 4ACG, c’est une association : les anciens appelés et rappelés en Algérie et leurs amis contre la guerre.
J’ai eu le privilège de prendre connaissance de ce bouquin avant publication.

L’association, elle, a vu le jour en 2004 à l’initiative de quatre paysans plus tout jeunes et vivant près de Millau, des agriculteurs qui avaient fait la guerre d’Algérie, cette guerre coloniale qui a duré de 1954 à 1962.

Et, depuis cette époque, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces anciens combattants vivent dans un grand malaise qu’ils n’arrivent pas à évacuer. De plus, pour cette excursion guerrière outre-Méditerranée, non voulue par eux, ils touchent une pension militaire de quelque 600 euros annuel. Et ils considèrent que c’est de l’argent sale, de l’argent taché de sang, argent qu’ils ont décidé de reverser à un village algérien.

L’association lancée, l’idée a fait boule de neige et, depuis, elle s’est fortement développée : ils sont maintenant plus d’une centaine à pratiquer cette réversion.

Dans un premier temps, ils ont porté leur aide à Tazla, un village de Kabylie détruit par la guerre en 1958. Puis d’autres villages algériens ont bénéficié de leur solidarité qui s’est précisée : ici, en donnant leur appui à un élevage avicole fermier ; là, en aidant à terminer la construction d’un local à usage culturel destiné à l’ensemble de la population (alphabétisation, formation, lecture, expression artistique, etc.) ; ailleurs, c’est un coup de main financier à une association pour des enfants autistes, etc.

Ces aides sont toujours décidées, après discussion, lors d’une assemblée générale de l’association.

Un autre projet, en Palestine, a vu le jour à l’initiative d’une autre association, celle des Réfractaires à la guerre d’Algérie, et en partenariat avec plusieurs délégations de la région parisienne d’une autre association encore : France Palestine Solidarité.

Ce projet a pour objet de soutenir des paysans palestiniens de la vallée du Jourdain dans la mise en valeur de leurs terres par la plantation de palmiers dattiers ; aide qui les libère de l’emprise israélienne. Voir rubrique.

Maintenant, c’est un village marocain qui profite de leur cagnotte.
Ainsi, en fin d’année 2011, presque 60 000 euros ont été distribués pour des projets de développement divers.

Puis, l’idée est venue à ces anciens combattants de faire un livre de témoignages sur « leur » guerre d’Algérie. C’est de ce livre dont je vous parle.

Dans leur élan généreux, les 4ACG ont associé des pieds-noirs progressistes, des anciens combattants du Front de libération nationale algérien, des harkis, des réfractaires français, puis des femmes françaises et algériennes qui ont partagé ce drame de diverses façons.

À l’heure actuelle, ils croulent sous les textes et cherchent d’autres moyens pour faire connaître tous ces témoignages car le livre qui va sortir fait déjà plus de 300 pages.
Un autre livre ? Un site ? Si vous avez des idées…

Quel est l’intérêt de ce bouquin édité par L’Harmattan et qui devrait avoir pour titre Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance ?

Ce qui m’a frappé, de prime abord, c’est la manifestation d’un sacré courage ! Oui, après tant d’années, presque un demi-siècle pour certains, vouloir revenir sur cette guerre qui leur est restée en travers de la gorge, il faut avoir du cœur : pour raconter, pour parler, pour témoigner afin de se délivrer, se libérer car, vous qui m’écoutez, n’oubliez pas qu’un grand silence s’est souvent abattu sur eux − en eux − après cette désastreuse expérience.

Dans ce livre, on trouvera une écriture des plus simples − nos amis ne sont ni des intellectuels ni des théoriciens − mais une écriture qui provoque à de nombreuses reprises une grande émotion.
Oui, certains témoignages sont poignants quand ils osent dire ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont laissé faire, ce à quoi ils n’ont pas osé ou pu s’opposer.

Rappelons que la torture a été largement pratiquée lors de cette guerre, rappelons que les prisonniers étaient souvent abattus sans jugement pendant ce que l’on nommait une « corvée de bois ». En face, l’adversaire n’était pas moins cruel qui n’hésitait pas à égorger et à placer des bombes dans des lieux publics.

Il faut dire, pour comprendre ce qui s’est passé, que nos jeunes hommes d’alors n’étaient en rien habitués à la contestation ; au contraire, formatés à l’obéissance par l’Église catholique, passés au moule de l’école de la République de Jules Ferry, façonnés par les pères et les mères ; pour eux, désobéir n’était pas pensable, pas imaginable.
Et puis le risque était de se retrouver désespérément seul devant son acte.

Par ailleurs, dans la France de l’époque, il ne fallait pas compter sur les partis de gauche, que ce soit le Parti communiste, que ce soit le Parti socialiste, que ce soient d’autres partis.
Revenus de ce côté-ci de la Méditerranée, la plupart des démobilisés s’enfermèrent dans un grand mutisme, certains se suicidèrent.

Pour le lecteur qui a pris de la distance, il est intéressant de voir comment on peut mener de jeunes gens à l’abattoir sans qu’ils regimbent trop.

Il y eut bien quelques protestations populaires, des trains bloqués, mais cela ne dura guère. Il nous faut citer cependant le refus d’un groupe de soldats à La Villedieu, en mai 1956, dans le Limousin, soldats qui mirent la crosse en l’air, manifestation bien vite réprimée par la police militaire, l’emprisonnement d’un maire et d’un instituteur qui manifestèrent leur solidarité. Une association, Mémoire à vif, relate ce combat pacifique
voir rubrique.

Lors de cette guerre, il y eut, on le sait, des désertions, d’autres refus d’obéissance, des insoumissions ; mais ce ne fut qu’un mouvement d’individus éparpillés et minoritaires.
D’ailleurs, ce n’est pas le moment d’en parler ici.

Actuellement, l’association des 4ACG s’est ouverte à ceux qu’ils nomment leurs « amis ». Ces anciens combattants ne sont plus seuls.

Pour en savoir plus, on consultera leur site
4ACG

André Bernard, chronique du 8 mars 2012 dans l’émission « Achaïra », du cercle libertaire Jean-Barrué, sur la radio associative bordelaise la Clé des ondes.

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