Quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, un groupe d’anciens réfractaires et de solidaires décident de témoigner.
Avoir l’envie de se rencontrer pour se raconter tant d’années après était parfaitement déraisonnable. Déraisonnables, ils avaient déjà montré qu’ils pouvaient l’être.
Leur livre nous apprend comment ils ont décidé ensemble de dire non et d’attiser une conscience si actuelle, de la désobéissance civile comme forme de toute civilisation humaine...
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Quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, un
groupe d’anciens réfractaires et de solidaires décident
de témoigner. Avoir l’envie de se rencontrer pour se
raconter tant d’années après était parfaitement
déraisonnable. Déraisonnables, ils avaient déjà montré
qu’ils pouvaient l’être. Leur livre nous apprend
comment ils ont décidé ensemble de dire non et
d’attiser une conscience si actuelle, de la
désobéissance civile comme forme de toute civilisation
humaine...
Que savons-nous de notre histoire ? Rien ou presque.
Pourquoi ? Parce qu’elle ne nous est jamais donnée à voir qu’à travers une représentation que l’on façonne au gré d’un message intentionnellement tronqué. Parce qu’elle réfère à un passé encore présent pour beaucoup d’entre nous, la guerre d’Algérie garde, à bien des égards, encore ses mystères. Les voiles sur ces « événements » ne se soulèvent finalement que lorsque les langues de nos parents se délient. Mais il faut du temps, beaucoup de temps pour qu’ils nous livrent, lorsqu’ils le font, leur version de l’histoire : non celle du politicien, de l’historien ou du journaliste mais celle plus vibrante, ardente et éprouvante de celui qu’elle a transcendé et souvent meurtri. Et c’est cette émotion qu’ils parviennent à cristalliser dans des mots qui jaillissent parfois au détour d’un repas de famille...
C’est en apprenant que mon compagnon Luc Fiquet avait été conçu, en 1962, lors d’une « visite de Françoise à la prison où se trouvait Christian », qu’un de ces fameux voiles, qui obscurcissent notre quête identitaire, s’est ainsi levé. L’anecdote, racontée par Christian, son père, se voulait amusante et légère. Elle sema un trouble certain que personne, malgré les rires, ne parvint tout à fait à cacher. Je me souviens. J’imagine au début de son récit mon beau-père, cet « homme a priori sans histoire » sous les traits d’un malfrat incarcéré suite à un braquage qui aurait mal tourné. Et, peu à peu, je découvre, après bien plus d’une décennie de côtoiement, que c’est son refus de faire la guerre d’Algérie qui lui a valu, « mais c’était autrefois », de passer plusieurs années en prison. Je suis alors submergée d’une fierté qui vient se conjuguer à l’amour filial que je porte à Françoise et Christian. L’émotion est grande. J’en garde encore un goût de miel dans la bouche...
Djaouida Sehili, sociologue, postface.
Honneur à vous, les insoumis, les déserteurs, les objecteurs, les réfractaires
qui avez eu le courage de « résister », de dire non, à la pacification, à la torture, aux répressions, aux camps d’internement, le courage de « désobéir aux ordres », à la loi même, aux violations des droits de l’homme, droits individuels et collectifs, droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple algérien. Honneur à vous, les insoumis qui avez su, par obéissance à des valeurs essentielles, désobéir aux ordres injustes.
Vous n’avez jamais rien demandé, ni reconnaissance du peuple algérien, ni approbation de quiconque, pas même des pacifistes car vous étiez et vous restez modestes, vous faisiez ce que vous dictait votre conscience, et vos refus étaient multiples, variés, personnels ; ils étaient riches de leur diversité. Aucun parti, aucune organisation, aucune Église ou obédience quelconque n’avait dicté vos choix. Parfois, contre vos amis, vos proches, votre famille, votre environnement, vous avez décidé seuls, et accepté la prison, pour des années souvent, refusant la fatalité de la violence, la fatalité de l’injustice, violence et injustice auxquelles vous deviez participer « au nom du peuple français ».
Peut-être avez-vous eu tort de vous taire si longtemps, de ne pas réunir plus tôt vos témoignages, vos lettres, vos documents afin qu’une mémoire puisse être écrite, une mémoire juste pour que soit connue la vérité : le contraire d’une mémoire culpabilisante imposée comme un devoir, mais une réalité à établir et à dire.
Vous avez eu raison de penser dans ce travail aux victimes de cette guerre, à leurs souffrances, aux Algériens réprimés, aux condamnés à mort, mais aussi aux rapatriés, aux harkis eux aussi victimes de cette guerre qu’on aurait pu éviter si les politiques de l’époque avaient imaginé un avenir de paix et non imposé la loi des armes.
Vous avez bien fait de ne pas dire : « Nous avons eu raison », alors que tous ceux qui avaient été mobilisés, « rappelés » ne pouvaient que taire une guerre qui les avait humiliés en les obligeant à tuer, voire à torturer, voire à assassiner pour venger ceux de leurs camarades tués à leurs côtés.
Jean-Jacques de Félice, Avocat, préface.
18 € - 220 pages - ISBN 2-84950-049-6
Editions Syllepse 69, rue des Rigoles 75020 Paris
Courriel : editions@syllepse.net le site http://www.syllepse.net