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Un bateau français pour Gaza
Article mis en ligne le 23 octobre 2011
dernière modification le 27 juin 2021

par A.B.

Rappel de l’enjeu

– Briser le blocus illégal de Gaza après l’attaque criminelle (neuf morts) contre la première flottille (printemps 2010) alors que le prétendu allègement de ce blocus par Israël n’est que de la poudre aux yeux dont la communauté internationale se contente.

Le "Louise-Michel"

– Préparer une flottille internationale qui soit grandement améliorée quantitativement (plus de bateaux) et qualitativement (des personnes : citoyens, élus et personnalités) pour imposer la fin du blocus.

– Mettre sur pied en France une campagne d’envergure inégalée et réussir le pari de faire travailler ensemble des dizaines d’organisations dont l’histoire et les pratiques sont différentes.

– Mettre en évidence les violations du droit international par Israël et exiger l’application de ce droit.

– Apporter de l’aide humanitaire même si ce n’est pas la priorité car c’est d’abord une campagne politique.

Le calendrier

Juillet 2010 : des réunions avec les organisateurs de la première flottille afin d’évaluer les possibilités d’action.

En France, accord entre le Collectif pour la flottille 2 et la Plateforme pour le soutien à la Palestine, auxquels vont se joindre d’autres collectifs locaux ou régionaux. Un Comité de coordination national se met en place qui orchestrera la campagne au jour le jour pendant un an.

D’abord prévue à la fin de l’automne 2010, à partir de plusieurs ports de la Méditerranée, la mission est reportée à plusieurs reprises vu les difficultés.

Finalement, la date du 28 juin 2011 sera retenue. Une vingtaine de pays seront impliquées et une dizaine de bateaux.

Sur le "Louise-Michel"

Les difficultés générales

− Faire travailler ensemble et au même rythme des organisations européennes, arabes, américaines, asiatiques, etc. qui, toutes, ont des expressions et des contraintes différentes.

− Trouver des bateaux s’avère extrêmement compliqué, la nécessité étant de les acheter en Méditerranée. La plupart des pays se tournent alors vers les camarades grecs qui ont l’expérience requise (rappelons qu’en 2008 ils ont réussi à atteindre Gaza), raison principale qui nous conduisit à partir de Grèce. Mais la situation économique se dégradant de jour en jour, ce regroupement en Grèce faisait peser un poids très lourd sur nos amis, les inquiétant et les préoccupant politiquement.

Nous serons ainsi rapidement confrontés à une grosse offensive diplomatique et médiatique israélienne. L’offensive pour faire échouer ce projet de flottille sera appuyée par le secrétaire général de l’ONU et par la plupart des pays d’où l’action se prépare.

La campagne en France

Nous avons décidé d’avoir un bateau français, partant de France, sous pavillon français, qui représenterait la volonté de solidarité de la population. Pour réaliser cet objectif, nous avons mis en mouvement environ une soixantaine d’organisations − du jamais vu −.

L’accueil dans la population apparaîtra de façon évidente quand les diverses 1500 actions menées permettront de récolter environ 700 000 €. Les dons se feront à 90 % par des apports de 5 à 20 euros.

De même, des centaines d’élu.e.s et de personnalités apporteront leur soutien. Une telle unanimité en soutien à la Palestine occupée n’a jamais été atteinte.

Contrairement à d’autres gouvernements, délibérément hostiles et menaçants, le ministère des Affaires étrangères nous a confirmé à chaque rencontre qu’il déconseillait fortement de participer à cette flottille mais que la France n’interdirait pas le départ de notre bateau. Pour autant, il reconnaissait que ce blocus n’était pas acceptable.

Les bateaux

Nous avons rapidement recherché un bateau « passagers » après avoir rejeté l’option cargo qui ne permettait pas de transporter suffisamment de personnes.

Nous décidons de partir de Marseille.

Une première recherche aboutit à un engagement pour un bateau qui se trouve en Égypte. L’option est rapidement abandonnée pour des raisons administratives et de temps.

" La Dignité" ("Al Karama")

Nous nous retournons en urgence vers les Grecs et trouvons un superbe bateau, le Louise-Michel qui bat pavillon grec et se trouve au Pirée.

La collecte pour l’achat d’un bateau ayant dépassé toutes nos espérances, nous décidons d’en acheter un deuxième en France, c’est La Dignité. Il partira bien de Corse, sous pavillon français. Objectif atteint.

Le 25 juin, La Dignité quitte la Corse pour atteindre la Grèce et se joindre à la Flottille.

Par ailleurs, et parce que la dimension humanitaire est réelle, le comité de coordination décide d’acheter des parts (soit 2,5 % de 30 000 €) d’un cargo chargé de transporter des médicaments et du matériel médical ; cargo affrété par les Grecs, les Suédois et les Norvégiens.

Point de vue d’un passager

Pour remplir les bateaux de passagers, les organisations participantes ont fait appel à des volontaires. Et c’est la coordination qui a fait un choix le plus équilibré possible en fonction de la représentativité des organisations et en fonction des âges.

Suite à la demande du Mouvement de la paix, je me suis proposé et j’ai été choisi pour représenter ce mouvement et le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples).

Je suis donc parti en Grèce le 25 juin avec d’autres volontaires pour embarquer sur le Louise-Michel pour un départ prévu le 28 juin. Des bateaux d’autres pays se trouvaient déjà sur place, prêts à appareiller.

Le dimanche 26 a été consacré à une prise de contact entre la trentaine de participants et, le 27 juin, devait être employé à nous entraîner à la résistance non-violente en prévision d’une éventuelle attaque des militaires israéliens. En fait, le départ fut repoussé tout d’abord d’un jour et l’entraînement se fit le 28.

Devant le ministère de la Marine
Devant l’ambassade des Etats-Unis
Devant l’ambassade des Etats-Unis

Par la suite, il y eut une interdiction de la part du gouvernement grec qui nous empêcha de quitter le port (interdiction jamais signifiée directement) et la flottille a subi des sabotages : ainsi un navire canadien a été saboté dans les eaux grecques et un navire irlandais dans un port turc.

Décision a été prise de monter la garde nuit et jour sur notre bateau, le Louise-Michel. Pendant ce temps, des tractations diverses étaient entreprises entre les différents comités, leur gouvernement et les autorités grecques. Il s’agissait, maintenant, de rompre le blocus israélien qui s’étendait de fait jusque dans les eaux territoriales grecques.

Nous avons aussi manifesté, à différentes reprises, avec les autres participants internationaux devant l’ambassade des États-Unis (pays qui faisait pression sur la Grèce pour bloquer totalement le bateau américain), puis devant le ministère de la Marine grecque et ensuite sur la place Syntagma avec nos camarades grecs.

Pendant ce temps, La Dignité, notre deuxième bateau, averti de nos difficultés à quitter le port du Pirée, faisait halte quelque part sur une petite île grecque d’où il partira plus tard avec une équipe d’internationaux (une majorité de Français) et trois journalistes dont une Israélienne du quotidien Haaretz.

À un certain moment, il est devenu évident que nous ne partirions pas. Nous avons alors pris la décision de simuler un départ : les voiles furent hissées et les moteurs mis en marche. Ce qui a déclenché l’intervention des policiers qui eux aussi montaient la garde nuit et jour pour nous surveiller. Ordre nous fut signifié de ne pas quitter le port.

Notre semaine passée en Grèce, tous ensemble, chacun avec sa vision, ses opinions et son vécu se révéla une riche aventure humaine. À noter la présence parmi nous de deux représentants des juifs pour la paix. Et je pense que, malgré quelques sautes d’humeur causées par l’attente, l’impatience et la fatigue, notre volonté de solidarité avec les habitants de Gaza et les Palestiniens en général a perduré.

"La Dignité" arraisonnée par la marine israélienne

J’ai d’ailleurs admiré, à cette occasion, la subtilité de nos « gentils organisateurs » qui, pour nous maintenir en forme, nous invitaient matin et soir à des assemblées générales où nous prenions des décisions inapplicables le lendemain.

Et puis nous sommes rentrés un peu déçus.

Nous avions maintenant à rendre compte à nos soutiens et à tous ceux qui nous avaient fait confiance, mais aussi à ceux qui avaient suivi notre action par la presse, la télé, le bouche à oreille, etc.

Tout ça pour ça ? C’est vrai que, vu de l’extérieur, toute cette splendide mobilisation qui nécessita plusieurs mois de préparation, semble n’avoir débouché que sur quelque chose de bien modeste.

"Le Monde" du 3-4 juillet 2011
Tony Orengo

Cependant, cette action a permis de faire connaître beaucoup plus largement le drame palestinien tant en Cisjordanie qu’à Gaza et d’avoir mis crûment en évidence l’étendue du blocus illégal de Gaza avec la complicité de l’Union européenne tout entière et des instances internationales.

Notre déception fut encore atténuée par la belle « évasion » de La Dignité qui, après quelques péripéties et 36 heures de mer, réussit à se rapprocher à 38 miles marins de Gaza avant d’être arraisonnée le 19 juillet par la marine israélienne.

Un bilan des différentes coordinations est en cours d’élaboration.

Tony Orengo, le 17 octobre 2011

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