Réfractaires non-violents à la guerre d’Algérie
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Annexes 1962 : Le drame de Charonne
Article mis en ligne le 28 avril 2010
dernière modification le 22 décembre 2013

par A.B.

Une réunion de l’ACNV a lieu au secrétariat de Vanves avec une
trentaine de personnes qui estiment qu’une réaction est nécessaire. Le projet est de prévenir tout risque d’exaspération de la violence qui conduirait inéluctablement à un début de guerre civile. L’idée d’une manifestation silencieuse s’impose. Lors d’une interview enregistrée il y a une bonne dizaine d’années, Jo Pyronnet raconte comment cela s’est passé le 11 février :

« L’ACNV se mobilise alors pour contacter tous les groupements politiques et syndicaux qui réfléchissent également aux conditions d’une réaction. Il leur est proposé une manifestation silencieuse où les manifestants s’engagent à ne rien prendre pour se défendre, seul moyen de poser le problème avec force et ne pas risquer d’apporter de nouvelles occasions de violence. Il est proposé aux responsables de ces groupements de former une équipe qui serve de tampon entre la police et les manifestants, en un point précis, vu le faible nombre de volontaires non violents.

« Une manifestation à la Bastille a été décidée et annoncée. Toute la journée, la radio répète toutes les heures que toute manifestation est rigoureusement interdite.

« L’ACNV se charge alors de l’une des avenues menant à la Bastille. Ses membres ratissent l’avenue en se tenant par les coudes et, au fur et à mesure que les gens arrivent, ils leur passent la consigne : on y va en silence, si la police fonce, on s’assoit, on s’arrête bien avant d’arriver sur la place de sorte que la police ait bien le temps de nous voir et on envoie une délégation prévenir la police.

« La manifestation s’est remarquablement passée avec environ 10 000 manifestants. Il y avait de la police partout, même sur les toits. Elle a duré une demi-heure, comme il avait été annoncé. Elle a été possible parce qu’il y avait une méthode donnée, ce qui est clair et rassurant.

« Il en a été peu question dans les journaux mais la manifestation a été d’un poids décisif dans l’organisation des funérailles qui ont eu lieu deux jours après et ont réuni un million de personnes.

« S’il n’y avait pas eu cette manifestation antérieure, il n’y aurait jamais eu tout ce monde aux funérailles (13 février). La police ne s’est pas montrée parce qu’elle avait compris que ce n’était pas le moment. C’est par le fait que malgré l’interdiction une manifestation s’était tenue, était restée parfaitement silencieuse et maîtrisée, que les gens ont eu le courage de venir. Je suis convaincu qu’avec le travail ainsi fait, à une trentaine, répercuté dans les villes de province, l’ACNV a pesé de façon déterminante pour aider les gens qui étaient pour la liberté des Algériens à ne pas employer les mêmes moyens que ceux d’en face et que c’est ça qui a sauvé la France d’un affrontement et de la guerre civile. J’ai été surpris par le fait que dans la foule, dans le peuple, il y ait de telles réserves de non-violence dès qu’on lui ouvre la porte, dès que les choses sont préparées et orientées vers la non-violence. Je considère qu’il y a des réserves pour un combat non violent et des énergies non violentes qui sont inouïes. »

Extrait de notre livre paru en 2005


Voici une lettre de Michel Leufeuvre, au secrétariat de Vanves, à propos de ces événements.

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